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« Quand vient l’automne » de François Ozon : Un plat de résistance

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Difficile de trouver un fil directeur dans le nouveau film de François Ozon, Quand vient l’automne. Un récit criminel ? Une histoire d’amour entre une grand-mère et son petit-fils ? Ou d’amitié entre deux vieilles dames ? Une chronique de la vieillesse ? C’est à la fois tout cela mais avec beaucoup d’incertitudes sur chacun des sujets. Ce que ne conteste d’ailleurs pas le cinéaste, venu avec Hélène Vincent, son interprète principale, présenter le film à Lyon.

« J’ai décidé de privilégier le hors-champ, de laisser le spectateur faire son propre film. Certains spectateurs sont soupçonneux, d’autres acceptent de ne pas accuser. Leurs interprétations m’intéressent. »

Ludivine Sagnier

C’est une fricassée de champignons cuisinée par la grand-mère (Hélène Vincent) pour sa fille (Ludivine Sagnier) et son petit-fils (Garlan Erlos) qui décide de l’action. Mais, contrairement au Roman d’un tricheur de Guitry, où le repas décimait toute la famille sauf le narrateur, puni et privé de manger, le cynisme est ici écarté. Car seule la fille goûte aux champignons et est malade et rien ne pourra, dans le reste de l’histoire, nous dire clairement si l’empoisonnement était ou non voulu. S’il s’agissait véritablement d’un plat de résistance — dans le sens de résister à l’éloignement programmé du petit-fils et de la grand-mère par la mère.

« Le scénario est parti d’un souvenir d’enfance, précise François Ozon. Ma grand-tante avait ramassé elle-même des champignons, qu’elle a préparés pour toute la famille. Tout le monde est tombé malade sauf elle, qui n’en avait pas mangé. A-t-elle essayé de zigouiller toute la famille ? Il me plaisait de l’imaginer et j’ai développé cette histoire. »

Hélène Vincent et Josiane Balasko

Le grand intérêt du film, qui peut laisser quelque peu sur sa faim, réside dans l’interprétation. À propos du rôle de la grand-mère, le cinéaste remarque que « les femmes de cet âge sont peu représentées au cinéma » et qu’il désirait « offrir un rôle principal à une dame de 80 ans qui assume son âge. » Et à propos du tandem formé par Hélène Vincent et Josiane Balasko : « Ce sont deux actrices que j’aime beaucoup. Sur Grâce à Dieu, elles avaient des rôles de mères. J’ai eu plaisir à les retrouver. Quant à Pierre Lottin, qui joue le fils de Josiane, il est séduisant et inquiétant. Vénéneux ! »

On peut malgré tout reprocher à Quand vient l’automne des signes assez évidents à voir, annonciateurs d’un élément du récit qui sera dévoilé plus tard, et d’autres qui n’arrivent jamais et qui, pourtant, aideraient le spectateur à mieux comprendre. Ce qu’Ozon, il l’a expliqué, s’est refusé à faire. Plutôt que de livrer un récit qui s’emboîte parfaitement, à la manière d’un Chabrol, il préfère lâcher des pistes, les reprendre — comme le retour inopiné de la commissaire jouée par Sophie Guillemin — et laisser planer le doute.

Ce personnage de la flic, Ozon le trouve ambigu, ce qui lui fait conclure : « Mon film est amoral, pas immoral ! Ce qui arrive dans le film tient à la magie du hasard ou à une volonté. C’est là le doute ! »

Hélène Vincent et François Ozon

Quant à Hélène Vincent, elle estime avoir été filmée « avec une extrême élégance ». Elle ajoute : « La vie n’apporte pas que du bonheur et mon personnage est une merveilleuse vivante. Elle reste au plus près de ses sentiments, de ses émotions. Elle et son amie, jouée par Josiane Balasko, on sent que ce sont des femmes qui en ont pris plein la patate. Elles continuent toutes les deux en aimant la vie et en laissant le passé derrière elles. Elles sont dans l’instant présent, ce qui est aussi mon cas. Je suis mère et grand-mère, cela fait partie de ma vie. Vu mon âge, je ne peux jouer ni une jeune première ni Cendrillon ! »

Sur la direction d’acteur, elle indique : « François est au cadre, on s’est peu parlé du personnage. » Avant d’ajouter : « C’est une chance incroyable de tourner avec lui. Il existe une vraie proximité, emplie de choses délicates. J’avoue que je suis plutôt one shot et qu’à la 27e prise, je m’ennuie. On s’est bien trouvés avec François sur l’énergie du tournage. »

Quant à sa partenaire, Hélène Vincent ne tarit pas d’éloges pour elle : « J’ai adoré la relation avec Josiane dans le film. Ce qu’elle m’envoyait sur le plateau m’a beaucoup aidée. J’y ai cru, à la fiction de ces deux femmes, à cette lutte pour vivre ! Josiane joue droit, elle est cash et ne fait pas de manières. Et elle est incroyable dans l’émotion. Il est difficile de faire admettre aux gens qu’on peut jouer un rôle. Pourtant, la nature de notre métier est la métamorphose. »

Josiane Balasko, Pierre Lottin et Hélène Vincent

Il faudrait encore mentionner la qualité du jeu de Pierre Lottin dans le rôle du fils de Josiane Balasko. L’acteur s’est fait connaître dans Les Tuche — dont le cinquième épisode doit sortir l’an prochain. À cent lieues de Wilfried Tuche, Pierre Lottin est ici trouble et attachant, sensible et dur, pitoyable et effrayant. En un mot : fascinant !

Refusé à Cannes, Quand vient l’automne a été projeté au festival de San Sebastian où il a obtenu le prix du meilleur scénario tandis que Pierre Lottin remportait celui du meilleur second rôle.

Jean-Charles Lemeunier

Quand vient l’automne
Année : 2024
Origine : France
Réal. : François Ozon
Scén. : François Ozon, Philippe Piazzo
Photo : Jérôme Alméras
Musique : Evgueni et Sacha Galperine
Montage : Anita Roth
Durée : 102 min
Avec Hélène Vincent, Josiane Balasko, Ludicvine Sagnier, Pierre Lottin, Garlan Erlos, Sophie Guillemin, Malik Zidi…

Sortie au cinéma par Diaphana le 2 octobre 2024.


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