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« Vincent doit mourir » de Stephan Castang : Une comédie romantique brutale

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Il suffit parfois d’un regard, dit-on. Non pas pour tomber amoureux, dans le cas du héros de Vincent doit mourir — encore que… — mais pour risquer sa peau. Dans ce premier film de Stephan Castang, Karim Leklou incarne à la perfection ce pauvre type qui, soudain, n’ose plus regarder son prochain de peur d’être tué. Tous deux ont répondu à nos questions.

D’un sujet dérangeant, Stephan Castang réussit le pari d’un film âpre, qui gratte et qui, sous couvert de fable, parle d’aujourd’hui. Un film tellement pas formaté qu’on a envie de le voir attirer un maximum de spectateurs. Godard et Week-end ne sont pas loin et une séquence rend un bel hommage au film prémonitoire de 1967. Quant à l’issue de Vincent doit mourir, elle renvoie à la mythologie grecque et au mythe d’Orphée.

Stephan Castang accepte les références. « J’avais effectivement en tête le Week-end de Godard et la fin est évidemment mythologique, sans dialogue, avec juste l’image, la musique et les personnages. On peut penser à Orphée, Œdipe et Antigone, Tirésias… »

Karim Leklou

Trouvaille du scénariste Mathieu Naert, le titre a décidé Stephan Castang à s’emparer du sujet. « J’aimais la brutalité qu’il contenait, qui m’a fait penser à Peckinpah et à son Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia. » Il fallait aussi pour cela trouver l’interprète idéal et l’on peut déclarer que Karim Leklou endosse parfaitement le personnage.

« Nous avons tourné dans l’ordre chronologique, rappelle ce dernier, ce qui m’a beaucoup aidé. C’est primordial et cela m’a permis de jouer en temps réel, sans chercher la psychologie mais en travaillant sur le corps. C’était un vrai challenge ! »

Karim Leklou et Vimala Pons

La violence qui se trouve au cœur du récit, Karim la traite d’« un peu nulle, un peu absurde » mais aussi « des fois sale, très sale ». Ce qui lui fait dire que le film est « une comédie romantique brutale, une histoire d’amour dans un monde violent ». Il poursuit : « Il n’est pas construit avec un discours, une morale. J’ai voulu raconter des choses en passant davantage par le corps que par l’esprit. Je ne suis pas Jason Statham, j’aime ce côté corps du quotidien. »

Pour sa part, le cinéaste reconnaît son plaisir à transgresser quelques tabous et que le résultat possède « une tonalité étrange ». « Chaque rencontre fait la démonstration d’une violence physique, verbale ou sociale. La première violence, c’est lorsqu’au début, Vincent se moque du stagiaire et lui demande un café. J’ai d’ailleurs beaucoup demandé d’improvisations aux acteurs. Ils ne sont pas qu’interprètes, ils sont créateurs ! »

Vimala Pons et le chien Suzy, qui a obtenu à Cannes le prix de « l’incroyable performance » mais pas la Palme Dog, ce que regrette Stephan Castang

Il cite la scène du commissariat, avec Vincent, le comptable et le policier. Quand ce dernier questionne Vincent, c’est le comptable qui répond. Cela n’était pas prévu et Stephan a tellement trouvé — à juste titre — que ça fonctionnait qu’il a gardé la blague. « L’impro, dit-il encore, laisse les acteurs jouer la situation et leur permet des moments d’invention. »

La fosse septique

Difficile d’entrer dans le détail sans déflorer les péripéties mais ajoutons que les inventions ne sont pas dues qu’aux seules improvisations des acteurs. Plusieurs séquences, telle celle de la bagarre dans la fosse septique, entrent dans l’esprit pour n’en plus ressortir. Dans ce monde de brutes décrit par Vincent doit mourir, où tout un chacun veut la peau du pauvre Vincent, Vimala Pons vient apporter un peu de douceur, même s’il lui suffit parfois d’un simple regard pour voir naître dans ses yeux une envie de meurtre.

Stephan Castang maîtrise parfaitement l’ambiance post-apocalyptique de ce premier film et l’on ne s’étonnera pas que Vincent ait été sélectionné, lors du dernier festival de Cannes, à la Semaine de la critique — encore qu’il n’aurait pas détonné dans Un Certain Regard. Ni qu’il ait déjà reçu plusieurs prix ici et là : meilleur acteur et meilleur premier long-métrage à Sitges, meilleur long-métrage à Neufchâtel, prix du public au Champs-Élysées Film Festival, meilleur film fantastique européen à Strasbourg…

Il en ressort une évidence : si le personnage de Vincent doit mourir dans le film, Vincent doit mourir doit vivre en salles car il fait partie de ce nouveau courant du cinéma français qui met toute son originalité à aborder les problèmes de société à travers le film de genre. Ce qu’on ne peut qu’apprécier !

Jean-Charles Lemeunier

Vincent doit mourir
Année : 2023
Origine : France
Réal. : Stephan Castang
Scén. : Stephan Castang, Mathieu Naert
Photo : Manu Dacosse
Musique : John Kaced
Montage : Méloé Poilleve
Durée : 108 min
Avec Karim Leklou, Vimala Pons, François Chattot, Jean-Rémi Chaize…

Sortie en salles le 15 novembre 2023.


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