Comment rendre compte de l’éblouissement qui a suivi la vision de Sur un fil, le premier long-métrage de Reda Kateb ? Tout, dans ce film, paraissait tellement juste, sans rien connaître du métier d’acrobate ni de celui de clown d’hôpital et, à plus forte raison, de tous les postes hospitaliers. Les regards, les attitudes, les silences, les sourires, rien ici ne semble calculé, joué. Tout est naturel et l’on ne peut que saluer l’ensemble des interprètes.
Lors de sa venue à Lyon pour parler de son film, Reda Kateb était accompagné de Caroline Simonds, la fondatrice du Rire médecin qui sert de base au scénario, et de Jean-Philippe Buzaud, qui joue l’un des clowns — et qui l’est en réalité. Sans oublier Paulo, l’adorable petit chien de Reda.
« J’avais, a expliqué Reda Kateb, la nécessité de raconter une histoire. J’avais tourné un court-métrage il y a dix ans et on m’a proposé de l’étendre au long. Je n’en voyais pas l’intérêt. Je cherchais un déclencheur et la lecture du livre de Caroline Simonds, Le Journal du Dr. Girafe, en fut un. Je sortais de la promo de Hors normes et il était une sorte de trait d’union. Je voulais mettre en lumière des héros très discrets. »
En cela, Reda Kateb a parfaitement choisi son casting, chaque acteur étant parfaitement à sa place et très crédible. Citons Aloïse Sauvage dans le rôle de l’acrobate accidentée qui se voit contrainte, pour trouver du boulot, de devenir clown d’hôpital. Et Philippe Rebbot, génial dans sa maladresse, sa générosité, sa tendresse. Et Samir Guesmi, impérial en père en souffrance, qui en dit davantage par ses silences et ses regards que par des mots. Saluons également les regards de Sara Giraudeau, membre du personnel hospitalier, et le jeune Massil Imine, qui joue l’enfant malade.
Le fil est aussi celui sur lequel se tient Reda Kateb, qui réussit à ne pas faire basculer son film dans le trop sombre ou le trop léger, approfondissant l’un et l’autre des deux aspects sans jamais être lourd.
« Dans ma lecture du livre de Caroline, reprend-il, j’avais la sensation que, dans ce cadre-là, existait quelque chose de l’ordre de l’humain vrai, de l’humain à vif. Il était sans posture. »
Il évoque sa rencontre avec Aloïse Sauvage, moteur de Sur un fil. « J’ai pensé à elle et j’ai imaginé l’histoire de l’acrobate qui tombe. » Quant à la mise en scène elle-même, il ajoute : « Depuis la dizaine d’années que je joue, j’ai observé beaucoup de gens, dont les metteurs en scène. Cela m’a un peu servi. Le fil du titre s’applique à tous les personnages dont on parle dans l’histoire : les clowns, les enfants, les familles, les soignants et à nous aussi. C’était une performance d’équilibriste de ne jamais plonger dans le pathos sans l’édulcorer non plus. La notion de justesse est toujours sur un fil. Quand je suis acteur, je tiens à chaque fois à la véracité des personnages : les autistes dans Hors normes, les sous-mariniers dans Le chant du loup ou les Manouches dans Django. »
Il insiste : « Pour Aloïse, c’était son premier rôle principal, pour moi, mon premier long-métrage et, pour Jean-Philippe, c’était la première fois qu’il apparaissait à l’écran. »
Humble, Caroline Simonds indique qu’elle n’est intervenue sur le film que pour aider Elsa Wolliaston, la danseuse, pédagogue et chorégraphe qui joue son rôle. « Caroline m’a accompagné depuis le début ! Elle était mon aiguilleuse du ciel », s’insurge Reda Kateb, qui la pousse à parler d’elle.
« Je joue à l’hôpital deux fois par semaine, témoigne Caroline. J’ai retrouvé dans Sur un fil des choses que j’ai vécues réellement. Je m’y suis moi-même retrouvée ! Et également l’émotion des parents, les regards des soignants, dont on voit la noblesse. J’étais fière qu’il les inclue. Reda a fait une vraie immersion sincère dans notre métier. Nous, nous sommes protégés par nos nez rouges. Ce n’était pas pareil pour les acteurs. Ainsi, Philippe [Rebbot] était effondré, le premier jour. Il était important, pour Reda, de transmettre la justesse et la réalité. À l’hôpital, le clown doit apporter de la poésie, pas forcément la grosse rigolade. On retrouve cela dans la complicité des comédiens. Reda marche sur un fil entre la rigueur et une extrême gentillesse. »
Véritable clown — sur piste, entre autres au Cirque d’hiver Bouglione, et à l’hôpital où, comme dans le film, il est Roger Chips —, Jean-Philippe Buzaud rappelle : « Les acteurs ont réellement joué à l’hôpital, face aux familles. En abordant le tournage, on avait vécu quelque chose de fort. »
Autre présence importante dans le film, Sara Giraudeau, qui est marraine de l’association Le Rire médecin — et que Caroline avoue connaître « depuis qu’elle a 16 ans ». À la suite du tournage, Reda Kateb est lui aussi devenu parrain.
Jean-Charles Lemeunier
Sur un fil
Année : 2024
Origine : France
Réal. : Reda Kateb
Scén. : Reda Kateb, Fadette Drouard
Photo : Sébastien Goepfert
Musique : Simon Henner
Montage : Dorian Rigal-Ansous
Durée : 116 min
Avec Aloïse Sauvage, Philippe Rebbot, Jean-Philippe Buzaud, Sara Giraudeau, Samir Guesmi…
Sortie sur les écrans par Universal France le 30 octobre 2024.